EXPOSE DES MOTIFS
L’annulation du principe de la présomption de domanialité ainsi que la mise en place de la propriété foncière privée non titrée par la Loi n°2005 – 019 du 17 octobre 2005 fixant les principes régissant les statuts des terres à Madagascar impliquent une révision de l’ordonnance réglementant le domaine public.
Ont de ce fait été retirées de la présente Loi, les dispositions contraires à celles de la loi n° 2005 – 019 du 17 octobre 2005 fixant les principes régissant les statuts des terres à Madagascar. Il s’agit essentiellement de travaux de toilettage de la rédaction, les principales dispositions de la loi n° 60 – 099 du 21 septembre 1960 sur le domaine public n’ont pas été modifiées.
Cependant sur le point particulier relatif à la gestion de la bande de terre jouxtant le rivage de la mer, appelée zone des pas géométriques, il est apparu opportun d’en simplifier le régime juridique pour régler les difficultés constatées dans la gestion de celle-ci.
L’existence du domaine public littoral de l’Etat y est reconfirmée sous la forme d’une servitude publique de passage de 25 mètres de largeur le long du rivage de la mer, laquelle entraîne l’indisponibilité des terrains situés à l’intérieur de cette bande. Les dispositions réglementaires de la loi permettront de clarifier les modalités d’utilisation de cette zone et d’en renforcer sa protection.
Tel est l’objet de la présente loi.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté en leur séance respective en date du 03 juillet 2008,
LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Vu la Constitution ;
Vu la Décision n° 14 – HCC/D3 du 22 juillet 2008 de la Haute Cour Constitutionnelle ;
Promulgue la loi dont la teneur suit :
TITRE I – DEFINITION, CONSISTANCE ET CONDITION JURIDIQUE DU DOMAINE PUBLIC
CHAPITRE 1 – DEFINITION
Art. 1 – Le domaine public immobilier de l’Etat et des collectivités décentralisées, comprend l’ensemble des biens immeubles qui, soit par leur nature, soit par suite de la destination qu’ils ont reçue de l’autorité, servent à l’usage, à la jouissance ou à la protection de tous et qui ne peuvent devenir, en demeurant ce qu’ils sont, propriété privée.
CHAPITRE 2 – CONSISTANCE ET REGIME JURIDIQUE
SECTION 1 – Consistance du domaine public
Art. 2 – Le domaine public se subdivise en trois fractions principales, caractérisées par l’origine des biens qui les composent :
1 – le domaine public naturel essentiellement immobilier, dont l’assiette et la destination sont l’œuvre de la nature ;
2 – le domaine public artificiel, tantôt immobilier, tantôt mobilier, dont l’établissement est le fait du travail et de la volonté de l’homme ;
3 – le domaine public réglementaire résultant d’une procédure spécifique de classement.
Art. 3 – Font partie du domaine public les biens ci-après, sans que cette énumération soit limitative :
a – Domaine public naturel :
1 – La mer territoriale qui s’étend vers le large jusqu’à 12 milles marins à partir de la ligne de base tel que définie par le Code Maritime ainsi que les golfes, baies ou détroits enclavés dans les terres ;
2 – Le rivage de la mer jusqu’à la limite des plus hautes marées périodiques et régulières ;
3 – Une bande littorale d’une largeur de 25 mètres à partir de la limite ci-dessus ;
4 – Les étangs salés et les marais salants en communication directe et naturelle avec la mer, les chenaux et étiers, ainsi que les lagunes ;
5 – Les fleuves, rivières, cours d’eau, lacs et étangs.
La domanialité publique est, en ce qui les concerne, fixée par la limite des plus hautes eaux, sans débordement. Les modalités de détermination de ladite limite sont fixées par décret.
b – Domaine public artificiel :
1 – Les ports maritimes et fluviaux dans les limites déterminées dans l’acte régissant leur création, extension/mise en place de dépendance ;
2 – Les ouvrages pour assurer la protection des rives des cours d’eaux, ou pour faciliter la navigabilité ou le bon écoulement des eaux ;
3 – Les puits aménagés à l’usage du public et les travaux de protection et d’aménagement des sources visées au point 6 du présent article ;
4 – Les canaux de navigation et les cours d’eau canalisés et les aménagements qui permettent leur exploitation ;
5 – Les canaux d’irrigation et de drainage, les conduites d’eaux, digues et barrages, construits dans un intérêt public, les installations de toute nature qui en sont les accessoires indispensables, ainsi que les aménagements destinés à l’entretien de ces ouvrages ;
6 – Les eaux recueillies et canalisées pour l’usage public ou collectif, les conduites, les aménagements destinés à la distribution d’eau, les lavoirs et abreuvoirs, les égouts ainsi que les diverses installations nécessaires à leur fonctionnement et à leur entretien ;
7 – Les voies publiques de toute nature, routes, rues, places, jardins et squares publics dans les limites déterminées par les dimensions des emprises qui les supportent ;
8 – Les voies ferrées, les lignes de tramway ou de trolleybus et les dépendances nécessaires à leur exploitation et à leur entretien ;
9 – Les aménagements et équipements aéroportuaires ainsi que de navigation aérienne et les dépendances permettant leur exploitation et entretien dans les limites des terrains qui les supportent ;
10 – Les installations permettant la circulation, la production et la distribution de l’énergie sous toutes ses formes, créées dans un but d’utilité publique, avec toutes les dépendances nécessaires à leur fonctionnement et à leur entretien dans les limites des terrains qui les supportent ;
11 – Les installations de télécommunications sous toutes leurs formes d’intérêt général avec les dépendances nécessaires à leur fonctionnement et à leur entretien dans les limites des terrains occupés pour l’installation de ces lignes ;
12 – Les constructions et installations des points d’atterrissage des câbles sous- marins reliant Madagascar avec d’autres pays dans les limites des terrains occupés ;
13 – Les constructions et installations des postes de radiocommunications et de télévision ainsi que leurs dépendances dans les limites des terrains occupés ;
14 – Les phares, balises et autres aménagements et infrastructures destinés à la sécurité de la navigation ainsi que leurs dépendances dans les limites des terrains occupés ;
15 – Les ouvrages, infrastructures et équipements ainsi que les sites naturels servant à la défense du territoire dans les limites des terrains occupés ;
16 – Les édifices cultuels appartenant à l’Etat, dans les conditions définies par la législation sur le régime des cultes et les objets qui en dépendent, ensemble le sol sur lequel ils sont construits, les murs extérieurs, contreforts et piliers, un chemin d’accès de trois mètres de large au minimum et un chemin de dégagement de cinq mètres de large autour desdits édifices ;
17 – Les monuments relevant de la législation sur le patrimoine national ;
18 – Les cimetières et lieux de sépultures collectives autorisés.
c – Domaine public réglementaire
Font partie du domaine public réglementaire les dépendances qui résultent d’une procédure spécifique de classement dont les modalités sont fixées par décret d’application de la présente loi.
SECTION 2 – Condition juridique
Art. 4 – Les biens du domaine public sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles alors même qu’ils seraient immatriculés suivant la procédure prévue par la loi sur la propriété foncière titrée.
Toute violation de cette règle est sanctionnée d’une nullité d’ordre public.
Art. 5 – Si l’aliénation comprenait à la fois des biens du domaine privé et des biens du domaine public, la nullité prévue à l’article 4 n’atteindrait que ces derniers.
Art. 6 – Les biens du domaine public sont placés en la dépendance des personnes morales visées à l’article premier qui ne peuvent en disposer librement qu’à partir du jour où ces biens cessent régulièrement de remplir leur destination ou ont fait l’objet d’un déclassement.
Art. 7 – Le droit défini sous l’article 2 se répartit de la façon suivante entre les personnes morales visées à l’article premier : a- le domaine public naturel est en la dépendance de l’Etat ; b- le domaine artificiel est en la dépendance de la personne morale dont le budget a pourvu aux frais d’acquisition, d’aménagement et d’entretien.
Art. 8 – Si des biens des particuliers étaient exceptionnellement aménagés en dépendance du domaine public sans acquisition préalable, il est fait application de la procédure de l’expropriation en ce qui concerne la fixation de l’indemnité.
L’indemnité est soumise, à compter de la date de prise de possession effective, à la déchéance quadriennale pour les créanciers domiciliés à Madagascar et à la déchéance quinquennale pour les créanciers résidant hors de Madagascar et ce dans les conditions prévues par le régime financier en vigueur.
Art. 9 – Lorsque l’incorporation au domaine public se produit par la suite de la submersion habituelle, pendant une période minimale de trente ans, de terrains ayant jusque là fait l’objet d’une appropriation à titre privé, les propriétaires dépossédés perdent définitivement et irrévocablement tous droits sur les parcelles couvertes par les eaux sans pouvoir prétendre à aucune indemnité si ledit envahissement est le résultat d’une cause naturelle.
Dans le cas de l’abandon naturel de son ancien lit par un cours d’eau, les propriétaires riverains disposent d’un droit de préemption pour l’acquisition de la propriété de cet ancien lit, sur la partie déterminée par des lignes perpendiculaires tirées des deux extrémités des limites riveraines de leurs propriétés respectives, sur la ligne médiane du lit abandonné.
La procédure d’acquisition est fixée par la loi sur le domaine privé de l’Etat.
Art. 10 – Le domaine public grève les fonds riverains de servitudes d’utilité publique dont la nature et l’importance sont déterminées d’après la destination assignée aux portions du territoire incorporées à ce domaine. Ces servitudes ne peuvent résulter que des textes légalement pris.
Aucune indemnité n’est due aux propriétaires en raison de ces servitudes. Toutefois s’il est nécessaire pour leur exercice de procéder à la destruction ou à la démolition de bâtiments, clôtures ou plantations, il est dû aux propriétaires grevés une indemnité fixée comme en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Art. 11 – Les particuliers ont le droit de jouir du domaine public, à la condition de n’exercer cette jouissance que dans les conditions spéciales à chaque nature de biens et suivant l’usage auquel ils sont destinés, le tout dans les limites fixées par les règlements administratifs.
TITRE II – CONSERVATION ET GESTION DU DOMAINE PUBLIC
CHAPITRE I – POLICE DU DOMAINE PUBLIC
Art. 12 – Les atteintes aux règlements relatifs à la police, à la conservation et à l’utilisation du domaine public qui sont édictées par acte réglementaire de l’autorité de qui relève le domaine public sont punies d’une d’amende de 100.000 à 1.000.000 Ariary, sans préjudice de la réparation du dommage causé et de la démolition des ouvrages indûment établis sur le domaine public ou dans les zones de servitudes.
Les atteintes sont constatées par des procès-verbaux dressés par des agents désignés et assermentés par l’autorité de qui relève la dépendance domaniale publique, selon des modalités fixées par décret.
Ces contraventions sont de la compétence de la juridiction administrative.
CHAPITRE 2 – GESTION DU DOMAINE PUBLIC
Art. 13 – La gestion des biens du domaine public peut pour une cause d’intérêt général, être transférée de la personne morale qui les détient aux mains de l’une des autres personnes visées à l’article premier. Ce transfert a lieu en vertu d’un arrêté du Ministre chargé du Service des Domaines, quand il s’agit d’un transfert pur et simple sans paiement de prix ou indemnité quelconque.
Si le transfert comporte le paiement d’un prix ou s’il donne lieu à une indemnité à raison des dépenses ou de la privation des revenus qui en résulteraient pour la personne publique dépossédée, le transfert a lieu en vertu d’un décret pris en Conseil des Ministres.
Art. 14 – Sont et demeurent confirmés tous les actes administratifs antérieurs, transférant au profit de collectivités décentralisées, des biens du domaine public situés sur leur territoire et placés sous la surveillance de l’administration locale.
Art. 15 – Certaines parties du domaine public, à l’exception de la bande littorale de la mer et des emprises de voies publiques fixée à l’article 3 ci-dessus, peuvent faire l’objet d’affectations privatives, sous la forme :
a – d’un contrat de concession d’une durée maximale de trente ans renouvelable. Le contrat de concession confère au bénéficiaire le droit d’exploiter une dépendance du domaine public déjà appropriée à sa destination, à condition de maintenir cette destination ou une dépendance du domaine public créée par leur industrie avec la possibilité de percevoir à temps, au lieu et place de l’administration concédante les revenus à provenir de cette dépendance ;
b – d’une autorisation d’occupation temporaire d’une durée d’une année renouvelable, révocable à toute époque sans indemnité pour une cause d’intérêt général et comportant pour les titulaires, droit d’utiliser à leur profit exclusif moyennant redevance, une portion déterminée du domaine public. L’occupant ne peut procéder qu’à des installations précaires et démontables.
Art. 16 – Il peut être délivré dans la limite de trente ans soit aux administrations, soit à des sociétés ou à des particuliers, des autorisations spéciales conférant le droit, moyennant redevance, de récolter les produits naturels du sol (abattage ou élagage des arbres, etc…), d’extraire des matériaux (terres, pierres, sables, etc…), d’établir des prises d’eau sur les dépendances du domaine public, d’y exercer des droits de chasse et de pêche.
Art. 17 – Dans les cas prévus par les articles 15 et 16 précédents, les concessions, permis, ou autorisations, peuvent être accordés par convention amiable ou procédure d’enchères.
La redevance peut être stipulée, soit en nature, soit en espèces.
Art. 18 – Les contrats de concession et les autorisations sont de la compétence du Ministre chargé du Service des Domaines pour le domaine public de l’Etat et du représentant de la collectivité publique en la dépendance de laquelle est placé le domaine public.
La résiliation, la résolution ou la révocation relèvent de la même compétence. Ces divers actes sont publiés selon les modalités qui sont prévues dans le texte qui les concerne.
CHAPITRE 3 – DECLASSEMENT DU DOMAINE PUBLIC
Art. 19 – Les portions du domaine public qui seraient reconnues susceptibles d’être déclassées pourront l’être par l’autorité dont elles dépendent.
Les parcelles déclassées du domaine public accroissent au domaine privé de l’autorité publique dans la dépendance duquel elles se trouvaient.
CHAPITRE 4 – SERVITUDE DE PASSAGE
Art. 20 – Une servitude de passage de dix à vingt mètres de largeur selon les lieux et les circonstances, calculée à partir de rive avant débordement, est réservée sur les rives des cours d’eau, des lacs, étangs et lagunes dépendant du domaine public ainsi que sur le bord des îles se trouvant dans ces cours d’eau, lacs, étangs et lagunes.
La même servitude est également réservée uniquement pour l’exécution des travaux d’entretien ou de réparation, sur les rives des canaux, drains et ouvrages de toutes sortes appartenant à la puissance publique et dépendant d’un réseau d’aménagement hydroagricole.
TITRE III – PROCEDURE
Art. 21 – Toute action intentée par l’administration intéressée contre l’atteinte aux dépendances du domaine public, relève de la compétence exclusive des tribunaux administratifs.
Toutefois, le juge des référés est compétent pour ordonner l’expulsion de l’occupant sans droit ni titre sur une partie du domaine public.
L’action possessoire devant les tribunaux de droit commun est ouverte aux concessionnaires et occupants temporaires, à l’effet de défendre leur droit de jouissance contre les attaques des tiers.
Art. 22 – Toute instance ayant pour objet le recouvrement des produits, redevances, portions de fruits, participation aux bénéfices du domaine public corporel ou incorporel ou la recette des droits, actions et créances qui en dépendent, est introduite par la signification au débiteur d’une contrainte, décernée par le Chef de la circonscription domaniale et foncière compétent, visée et rendue exécutoire par le Président du tribunal administratif de la situation des biens.
L’exécution de la contrainte ne pourra être interrompue que par une opposition formée par le redevable et motivée, avec assignation à jour fixe devant le tribunal administratif. Dans ce cas, l’opposant sera tenu d’élire domicile dans la localité où siège le tribunal.
Art. 23 – Les procédures et instances engagées ou soutenues à la requête de l’Etat pour le règlement des litiges intéressant le domaine public ou le recouvrement des produits et redevances de ce domaine sont poursuivies devant la juridiction administrative à la diligence et par les soins des autorités ci-après en qualité de mandataires légaux, à savoir le Ministre chargé du Service des Domaines ou ses délégués, le Chef du Service des Domaines et de la Propriété foncière et les Chefs de circonscription domaniale et foncière.
Pour le domaine public des collectivités décentralisées, elles sont poursuivies à la diligence du Chef de l’Exécutif local.
TITRE IV – DISPOSITIONS FINALES
Art. 24 – Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par voie réglementaire.
Art. 25 – Sont et demeurent abrogées toutes les réglementations et dispositions antérieures contraires à la présente loi notamment l’Ordonnance n° 60 – 099 du 21 septembre 1960 réglementant le domaine public ainsi que ses textes subséquents.
Art. 26 – La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République. Elle sera exécutée comme loi de l’Etat.
Antananarivo, le 23 juillet 2008
Le Président de la République, Marc RAVALOMANANA