Avec la gratuité des droits de mutations par décès, annoncée par le Président de la République et qui sera valable jusqu’au mois de juin de cette année, la question des successions occupe la pensée de bien des malgaches dont les biens immobiliers sont encore inscrits aux noms d’aïeux parfois bien lointains.

Plutôt que de répondre individuellement à tous les messages qui inondent ma boîte de messagerie privée, j’ai donc pensé plus judicieux d’écrire un article résumant de manière simple comment liquider une succession (sujet quelque peu morbide mais ô combien utile) avec des mots que j’espère être compréhensibles pour tous.

La liquidation d’une succession suit donc plusieurs étapes simples, mais parfois longues, qui vous seront détaillées ci après.

 

Etape 1 – L’acte de notoriété après décès

(Si vous disposez déjà d’un acte de notoriété, cette première partie vous sera inutile.)

L’acte de notoriété après décès, ou fanamarinana maha-mpandova, comme son nom l’indique est l’acte qui énoncera les héritiers du decujus1la personne décédée. Concrètement, l’acte de notoriété après décès est un acte par lequel des témoins déclarent avoir connu le decujus, attestent que celui-ci est décédé et affirment qui sont ses héritiers.

Deux cas peuvent ici se présenter : soit le decujus a fait un testament, auquel cas ses héritiers seront ceux énoncés dans le testament (selon la teneur du Testament) ; soit le decujus n’en a pas fait, auquel cas la dévolution successorale suivra l’ordre légal, autrement dit, c’est la Loi qui désignera qui seront les héritiers (Enfants, petits-enfants, parents, frères et sœurs, oncles et tantes, neveux et nièces, conjoint survivant et enfin l’Etat.).

Cet acte de notoriété est établi par un Officier public. Ainsi, il peut se faire soit par le maire à la Commune (en cas de décès récents), soit chez le Notaire et en dernier recours au Tribunal.

Les pièces généralement exigées (chez le Notaire) sont :

  1. L’acte de décès du decujus ;
  2. Les Certificats de résidence et photocopies légalisées d’une pièce d’identité de quatre témoins (âgés d’au moins 21 ans au moment du décès) ;
  3. Le livret de famille (souvent exigé par les Notaires) ou toutes autres pièces pouvant justifier de la qualité d’héritier (acte d’adoption etc.).

Questions pratiques :

Les enfants ont-ils tous les mêmes droits devant la succession ?

  • Les enfants légitimes, naturels et adoptés judiciairement ont tous les mêmes droits.
  • Les enfants adoptés à la Mairie (adoption simple) héritent de la moitié des biens auxquels ils auraient pu prétendre en tant qu’enfants légitimes. Toutefois, en l’absence d’autres enfants ou petits enfants, ils héritent de la totalité du patrimoine.
  • Les enfants adultérins et incestueux ont uniquement droit à une aide alimentaire et ce même en cas de Testament en leur faveur.

 

Etape 2 – Déclaration de succession

La déclaration de succession ou tombam-pananana est une formalité fiscale permettant de payer les impôts inhérents à la succession. Cette déclaration doit être faite et déposée au Centre fiscal du lieu de dernière résidence du decujus. Elle présume de la qualité d’héritiers et de la consistance du patrimoine2Actif et passif du decujus en l’absence de contestation.

Il s’agit ici de remplir, de manière détaillée, un formulaire pré-imprimé par les services fiscaux en y déclarant qui sont les héritiers (noms, prénoms, date et lieu de naissance) et quel est le patrimoine (Propriété immobilière, voiture, compte bancaire, parts sociales ou actions dans des sociétés etc.) du decujus à transférer avec la valeur respective de chaque élément. Cette déclaration peut être remplie par le Notaire ou par l’un des héritiers.

Les pièces exigées à annexer à cette déclaration sont :

  1. L’acte de notoriété (étape 1)
  2. Les preuves ou justificatifs de propriété sur les éléments du patrimoine (Certificats de situation juridique des biens immobiliers, attestation de banque, photocopie de carte grise des véhicules,  statut des sociétés etc.)

Cette formalité est soumise au paiement d’un droit allant de 10.000 Ar à 40.000 Ar par héritier, selon le lien de ceux-ci avec le decujus (10.000 Ar si enfants ou parents du decujus; 20.000 Ar si frères et soeurs, neveux ou nièces du decujus; 40.000 Ar au delà du 3ème degré ou en cas d’absence de parenté) . Le paiement de ces droits donnera lieu à la remise d’un certificat de paiement qui vous sera nécessaire pour la suite des formalités. Jusqu’au mois de juin cependant, ces droits seront gratuits.

Questions pratiques :

Qu’en est t-il des biens d’une personne mariée en communauté des biens?

Dans ce cas, on inscrira uniquement dans la déclaration de succession les parts du decujus et seules ces parts seront par la suite mutées. Deux cas peuvent se produire :

Cas 1 : Mariage sans contrat avant 1990 et décès avant 1990 : Dans ce premier cas, l’homme possède les 2/3 des biens communs et la femme les 1/3.

Cas 2 : Mariage sans contrat avant 1990 mais décès après 1990 ou mariage sans contrat après 1990 : Dans ce second cas, les mariés possèdent chacun 1/2 des biens.

NB : S’il s’agit de biens que le decujus a obtenu par héritage, ils seront inscrits et mutés en totalité.

 

Comment estimer la valeur des biens immobiliers ?

Pour une estimation approximative de la valeur de vos biens immobiliers, un site est consultable au lien suivant : http://immo.impots.mg/

 

Etape 3 – Le partage

(En cas d’héritier unique ou de testament attribuant des biens clairement définis, cette étape n’est pas nécessaire.)

À ce stade de la procédure, le patrimoine appartient encore aux héritiers du decujus de manière indivise. Autrement dit, il appartient à tous, chacun étant titulaire d’une quote-part. (Par exemple 1/3 ou 1/4 d’un immeuble, d’un terrain etc.).

« Nul ne peut être contraint de rester en indivision ». Ce principe signifie simplement que chaque héritier peut à tout moment demander à ce que soit effectué le partage. Ce dernier peut se faire de manière amiable ou judiciaire:

  1. Dans le cas d’un partage amiable, les copartageants s’entendent dans un acte qui fera foi entre eux de la répartition du patrimoine. Si les parties ont décidé de le faire sous acte sous seing privé, l’acte devra par la suite être homologué au tribunal ou déposé chez le Notaire. La deuxième voie possible est de passer directement par le Notaire pour la rédaction de l’acte de partage, ce qui lui conférera directement un caractère authentique.
  2. Le partage judiciaire a lieu généralement pour deux sortes de situations : Premièrement, si les héritiers ne s’entendent pas sur la répartition du patrimoine ou encore si l’un d’eux refuse que l’on procède au partage. Dans ce cas, tout héritier peut saisir le tribunal qui ordonnera le partage. Ce dernier sera fait en nature ou alors par vente aux enchères des biens, si ceux-ci ne sont pas partageables ou si un accord amiable entre héritiers est vraiment impossible. Deuxièmement, le partage judiciaire a lieu dans les cas où un des héritiers est aliéné, mineur ou absent et non représenté. Dans ce cas, des lots seront fixés puis répartis par tirage au sort. En tous ces cas, un Notaire sera nommé par le tribunal pour accomplir ces procédures.

Questions pratiques :

Peut-on vendre sa quote-part avant partage ?

Oui, il est possible de vendre sa quote-part avant le partage. On vendra alors les 1/3 ou les 1/4 que l’on possède, par exemple, sans que le bien ne soit clairement spécifié.

 

Tous les héritiers peuvent-ils céder un bien déterminé avant le partage ?

Oui, l’acte de cession devra cependant comprendre le consentement unanime de tous les héritiers.

 

Un seul héritier peut-il céder un bien déterminé avant le partage ?

Le principe est que l’accord unanime des héritiers est nécessaire pour tout acte de cession. Si toutefois un acte a été accompli sans accord unanime, le sort de cet acte est subordonné au partage. Si par suite du partage, le bien cédé tombe dans le lot du cédant, l’acte sera rétroactivement valable, autrement l’acte sera rétroactivement nul.

 

Etape 4 – Mutation auprès du service des domaines pour les biens immobiliers

Cette étape consiste à demander la mutation des biens immobiliers. Pour ce faire, il est nécessaire de rédiger une demande (réquisition) adressée au Conservateur de la Propriété foncière (Domaines) afin que ce dernier opère la mutation. Cette réquisition peut être rédigée par l’un des héritiers ou par le Notaire qui est en charge de la succession. À cette réquisition doivent être annexés :

  1. L’acte de notoriété (étape 1) avec l’acte de décès;
  2. Le certificat de paiement des droits de succession (étape 2) ;
  3. L’acte de partage (étape 3 si partage a eu lieu) ;
  4. Les duplicatas du titre foncier, cadastres etc (autrement dit, les titres de propriété)

Les biens immobiliers indivis sont mutés dans un premier temps au nom de tous les héritiers du decujus. Cette étape donne normalement lieu au paiement d’un droit de 2% de la valeur des biens mais est également concernée par la gratuité jusqu’au mois de juin.

Si un partage a été fait, chaque part de bien pourra ensuite être mise au nom de chaque bénéficiaire (Ainsi, les duplicatas de Titre foncier seront mutés etc.). Il est à noter que la gratuité concerne uniquement la mutation par décès. L’inscription du bien, au nom de l’héritier bénéficiaire après partage, sera donc soumise à un droit de 2%.

Notes[+]

2 réflexions sur “Comment liquider une succession à Madagascar”

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